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EDD : « Notre rôle est d’être des accompagnateurs exigeants dans l’éducation à l’esprit critique. »

Entretien avec Hillana, étudiante à l’INSPÉ de l’académie d’Amiens.

Dans le cadre d’un webinaire organisé par le Réseau des INSPÉ et Campus matin intitulé « L’enseignement scolaire face à la transition sociétale ou comment préparer tous les enseignants à former tous les élèves » vous avez pu découvrir le projet sur la surconsommation vestimentaire qu’a mené Hillana Bhugeloo, étudiante à l’INSPÉ de l’académie d’Amiens, dans son établissement. Nous avons voulu en savoir plus sur son projet : son commencement, sa mise en place, et les enseignements à en tirer.

  • Pouvez-vous vous présenter et présenter votre projet ?

Je suis Hillana. Je suis, dans le cadre de mon Master 2 MEEF parcours Encadrement Éducatif, CPE contractuelle alternante au sein d’un collège urbain de l’académie d’Amiens. Je suis présente dans l’établissement le jeudi et le vendredi. J’ai eu l’opportunité en Master 1 d’intégrer un séminaire de recherche, dispensé à l’INSPÉ, portant sur le développement durable. Dans ce cadre, j’ai pu rédiger un mémoire de recherche sur la surconsommation vestimentaire ou fast fashion afin de sensibiliser les adolescents sur l’impact de l’industrie du textile sur l’environnement. Le but étant aussi d’éduquer à une consommation éthique et durable pour former le futur écocitoyen. Après avoir mené des recherches sur ces questions, j’ai pu travailler en étroite collaboration avec les partenaires internes du collège, à la fois la direction mais aussi mes collègues CPE, professeurs documentalistes, référent développement durable et éco-délégués afin de mettre en place des actions d’information et de prévention. Un questionnaire a été diffusé à l’ensemble de la communauté éducative afin d’établir un diagnostic des modes de consommation au sein du collège. Puis des ateliers ont été mis en place avec les éco-délégués pour aiguiser leur esprit critique sur ces questions. Ce sont des séances d’environ 45 minutes avec des objectifs pédagogiques précis comme lors de la séance n°1 de l’atelier fast fashion « Qu’y a-t-il dans votre placard ? ». Ainsi, les élèves en fin de séquence étaient capables de : définir le concept de fast fashion, identifier les impacts sur l’environnement, l’aspect social et notre santé, nommer les éléments clés d’une étiquette (photolangage). Dans ce cadre, nous avons pu visiter les ateliers de couture de la section mode et vêtement du lycée de secteur. Les lycéens et l’enseignante référente nous ont fait découvrir les différentes étapes de fabrication d’un vêtement mais aussi les alternatives à la surconsommation comme l’upcycling (surcyclage). Il s’agit maintenant d’élaborer des affiches de sensibilisation au sein du collège afin de toucher l’ensemble des élèves et le personnel.

  • Pourquoi avoir décidé de monter ce projet et de vous saisir de la question de l’éducation au développent durable ?

Le développement durable est une thématique qui me touche particulièrement car c’est un enjeu majeur pour nous futurs citoyens. C’est aussi selon moi réapprendre à se relier à la nature, réapprendre à être sensible à ce qui nous entoure pour mieux la respecter. Il me semble important de prendre conscience de l’impact de l’homme sur la biodiversité et sur les aspects, sociaux, environnementaux pour pouvoir agir en conséquence. Ce projet a été pensé afin de donner les clés aux adolescents pour qu’ils deviennent des consom’acteurs actifs et éviter cette éco-anxiété qui peut les envahir à ces âges de grande vulnérabilité. Il était aussi question d’évoquer le vêtement qui a un aspect symbolique fort chez les adolescents. C’est un marqueur social, générationnel important à cette période et montrer que l’industrie de la mode s’en saisit pour créer un besoin chez les jeunes permet aussi de comprendre leur comportement pour mieux les anticiper.

  • Comment avez-vous monté ce projet ? Vous êtes-vous entourée d’enseignants et d’autres personnels d’éducation ? De quels moyens techniques/financiers avez-vous eu besoin ?

Ce projet a d’abord été pensé avec mon directeur de mémoire qui m’a guidé durant son élaboration. Puis au sein du collège j’ai pu bénéficier de l’appui de la direction qui m’a donné le feu vert pour pouvoir le matérialiser. Avec l’aide de mes collaborateurs CPE, enseignants et éco-délégués mais aussi enseignants du lycée voisin nous avons élaboré une fiche projet pour valider la sortie au sein des ateliers de couture qui était totalement gratuite puisque cela s’inscrit dans le cadre de l’éducation nationale. D’autre part, ce qui a nécessité un financement a été l’achat de livres pour le CDI du collège. En effet, dans le cadre des ateliers avec les éco-délégués nous avions besoin d’irriguer notre réflexion.

  • Comment votre formation à l’INSPÉ de l’académie d’Amiens vous a-t-elle aidé à monter ce projet ?

Ma formation au sein de l’INSPÉ de l’académie d’Amiens a été essentielle pour élaborer ce projet car dans le cadre du séminaire de recherche portant sur le développement durable, nous avions des cours sur ce thème pour aiguiser notre réflexion. J’ai pu bénéficier de l’option développement durable également qui m’a permis de comprendre la démarche de projet dans le cadre scolaire et comment travailler avec les enseignants de chaque matière. En effet, le développement durable étant une éducation transversale il s’agit de la faire vivre dans chaque discipline et collaborer tous ensemble. Des temps informels organisés par l’INSPÉ ont aussi permis de découvrir les partenaires associatifs locaux et de pouvoir les réinvestir dans nos projets.

  • Comment vos élèves ont-ils perçu le projet ? Comment s’en sont-ils saisis ? Avez-vous constaté une évolution dans leur discours sur leur consommation ? Des retours des parents d’élèves ?

Les élèves ont d’abord été surpris par ce thème car le lien n’est pas directement établi entre le vêtement et le développement durable. Puis les ateliers organisés dans l’établissement scolaire et la visite au sein des ateliers ont été bénéfiques pour eux. J’ai pu noter un fort investissement dans le projet puisqu’ils ont découvert la chaîne de fabrication du vêtement, les coulisses de l’étiquette du vêtement, la créativité nécessaire mais aussi tout l’aspect technique. Pour les lycéens, cela a été aussi un moment d’échange et de valorisation de leur travail. Ils se sont appliqués à montrer les machines utilisées et les alternatives comme l’upcycling. Ce projet a aussi permis de découvrir une filière et un lycée dans le cadre de leur orientation future. Une liaison collège/lycée a aussi été rendue possible au travers de ce projet. Ces différentes étapes leur ont permis de constater l’importance de regarder l’étiquette d’un vêtement mais ils ont aussi pris conscience de ce qu’il y avait derrière le prix d’un vêtement. Du côté des parents d’élèves, ils ont été également actifs puisqu’ils nous ont permis de rentrer en contact avec une association locale de recyclage de vêtements qui interviendra dans le cadre du projet. C’est donc un gain individuel mais aussi collectif en termes de climat scolaire.

  • Quelles répercussions ce projet a-t-il eu sur vous, en tant que jeune CPE ? Votre regard sur l’éducation au développement durable a-t-il évolué ? Une thématique dont vous continuerez à vous saisir dans votre carrière ?

Ce projet m’a vraiment permis de développer ma capacité à travailler en équipe. C’est le travail avec chacun des membres de la communauté éducative qui a permis de rendre possible ce projet. Les regards de chacun, les conseils de tous ont permis d’ajuster certains éléments du projet. La concrétisation de ce projet m’a permis aussi de dédramatiser la démarche de projet et de voir qu’en s’entourant d’une équipe, en ayant une certaine connaissance de l’environnement de l’établissement, c’est possible d’élaborer un projet. Cela m’a donc conforté dans l’idée que je me faisais de l’éducation au développement durable et j’entends poursuivre avec ce thème.

  • Quelle est, selon-vous, la responsabilité des acteurs éducatifs dans le développement d’une conscience écologique chez les élèves ? Quel est selon-vous le rôle que doit endosser l’école, et celui qui relève plutôt des familles ?

Selon moi, les acteurs éducatifs se doivent d’être des « tuteurs de résilience » comme le dit très bien Boris Cyrulnik. C’est un thème qui est sensible aujourd’hui, complexe et qui suscite de vives émotions chez les adolescents. Notre rôle est d’être des accompagnateurs exigeants dans l’éducation à l’esprit critique en donnant des éléments factuels du développement durable. Cette phase de connaissance est primordiale selon moi, pour comprendre l’environnement qui nous entoure. Mais nous devons également permettre aux élèves de trouver des solutions, de s’engager dans des projets concrets pour les phénomènes d’impuissance. Notre regard bienveillant sur eux leur permettra de déployer leur capacité à agir, à être autonome et à sensibiliser à leur tour leurs proches. Selon moi, l’école doit être un espace d’expérimentation où les élèves sont accompagnés dans la concrétisation de leurs projets mais aussi à accepter certains échecs pour pouvoir réajuster des paramètres, comprendre que c’est l’erreur qui permet vraiment d’apprendre. Ce doit être un lieu ressource pour les adolescents mais aussi pour les familles et les partenaires. L’ancrage territorial d’un établissement permet selon moi d’avoir plus d’impact dans la vie des élèves et en termes de développement durable. Ce que permet cette thématique paraît aussi essentiel pour l’école, le décloisonnement des disciplines pour recréer du lien et recréer de l’interconnexion.

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