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« L’affaire John Murphy » : l’espace game pédagogique (et à distance) de l’INSPÉ Lille HdF

Depuis 2017, le site INSPÉ Lille HdF de Villeneuve d’Ascq bénéficie d’une salle permettant le développement et la réalisation d’escape games à visée pédagogique. Depuis, de nombreux jeux à énigmes ont été développés par le service Innovation pédagogique de l’INSPÉ.

A l’annonce du second confinement, l’équipe, composée de Romain Deledicq (technopédagogue et auteur d’escape games), Jeanne Vanderschooten (service civique et co-autrice) avec l’étayage conceptuel de Julian Alvarez (professeur associé à l’INSPÉ Lille HdF, spécialisé en ludopédagogie et responsable du DU « Apprendre par le jeu ») a pris la décision de distancier ces jeux.

Qu’est-ce qu’un escape game ?

Les escape games ont fait l’objet d’études scientifiques. Voici la définition qui en est faite dans la littérature :

« Concrètement, un jeu d’évasion consiste généralement à s’échapper d’une pièce ou d’une succession de pièces dans un temps limité. Pour ce faire, un groupe de joueurs doit trouver et collecter un certain nombre d’indices et d’objets afin de résoudre des énigmes. Ces éléments peuvent être cachés ou non, et peuvent être accessibles plus ou moins rapidement dans le jeu. En fonction de la mise à disposition de ces derniers, le jeu se déroulera de façon plus ou moins linéaire, ce qui influencera la difficulté générale de l’épreuve. » (Guigon, Humeau & Vermeulen, 2017).

Et concernant le dispositif :

« Un JE implique entre quatre et six participants en moyenne, et nécessite plutôt une approche collaborative. » (Alvarez, Taly & Vermeulen, 2019)

Pouvez-vous nous décrire l’escape Game « L’affaire John Murphy » ?

L’escape game « L’affaire John Murphy » se prêtait parfaitement à la distanciation : il était prêt et avait été testé au préalable durant plusieurs sessions. Il ne nécessitait pas d’adaptation très lourde et chronophage pour fonctionner à distance. En outre, son objectif pédagogique disciplinaire était un argument supplémentaire (les mathématiques) pour que les participants apprennent d’une manière ludique. Enfin, nous disposons d’un Fablab à visée pédagogique, le Minilab, qui nous a permis de créer les objets nécessaires à la distanciation de cet escape.

Les participants pilotent depuis chez eux, via Zoom, un acteur enfermé dans une pièce pour l’aider à s'échapper avant que le temps ne soit écoulé. Ils sont invités à résoudre un ensemble d’énigmes en lien avec les mathématiques par l’intermédiaire de trois caméras fixes dans la pièce et d’une caméra portative qui permet à l’acteur de faire des gros plans sur des objets et autres indices.

La collaboration entre les participants est nécessaire pour aider l'acteur à effectuer les bonnes actions. Ce dernier est également un médiateur qui commente les événements et peut émettre des suggestions lorsque les participants se trouvent dans une impasse.

Quel a été le déclic ? Pourquoi avoir distancié cet escape game ?

Il y a deux raisons majeures.

- Tout d’abord, nous avions des retours d’étudiants en souffrance psychologique, du fait d’une lassitude à suivre les cours à distance et d’un manque de contacts sociaux inhérents à la crise sanitaire mais surtout aux mesures plus contraignantes imposées dans la région Hauts-de-France. A partir de ce constat, nous avons décidé de leur proposer une autre façon d’apprendre, par le jeu.
- La seconde raison est liée au DU Apprendre Par le Jeu (APLJ), où nous formons à la ludopédagogie en mode distanciel. Dans le cadre de ces enseignements, il était nécessaire de faire découvrir aux apprenants ce que pouvait représenter un escape game à caractère éducatif. Nous voulions leur montrer qu’un tel dispositif pouvait aussi s’opérer à distance via une technologie de visio-conférence.

 

INSPÉ de l'académie de Lille - Hauts-de-France (Direction)

Quelles sont justement les difficultés rencontrées pour cette distanciation ?

Ce jeu se prêtait vraiment à une distanciation. Cependant, certaines énigmes ne pouvaient se faire à distance. Par exemple, dans la version présentielle, une étape nécessitait l’utilisation d’un robot éducatif, le Blue-bot. Il est reconnu que, sans manipulation physique de ce robot, la perte d’intérêt pédagogique est grande. Deuxième exemple, une énigme sous forme d’un logigramme imposait de rechercher dans la pièce certains objets : il nous est apparu complexe de distancier cet évènement.

Nous avons donc décidé de supprimer ces deux actions. Cela s’est révélé plutôt positif car le facteur temps à distance est très différent. Les consignes à apporter et la compréhension, notamment, sont plus longues et, malgré le retrait de ces deux parties, l’heure octroyée s’est avérée juste suffisante pour que les participants arrivent au terme de l’aventure. Evidemment, il y a eu déperdition en terme pédagogique et didactique mais l’objectif, nous le rappelons, était surtout le bien-être psychologique, le changement radical de paradigme par rapport aux dispositifs d’enseignement à distance.

Quels ont été les retours des participants ?

Lorsque nous avons communiqué sur l’existence de ce jeu, nous avons été immédiatement sollicités par les étudiants, malgré une période très lourde pour eux en terme de travail personnel. En tout, ce sont une quarantaine de joueurs et huit sessions de jeu qui ont été programmées. Si nous avions lancé ce jeu sur une autre période, nous aurions probablement été tenus de refuser du monde !

Concernant les retours d’expériences, ils ont été très positifs et nous pouvons considérer que notre objectif était atteint : les participants étaient heureux de se joindre à ce dispositif, de rencontrer de nouvelles personnes, d’apprendre en s’amusant, de discuter, d’échanger sur un autre format que celui de leurs journées habituelles.

Avez-vous d’autres projets de ce type ?

Oui. Nous avons été sollicités par la responsable pédagogique du site INSPÉ de Villeneuve d’Ascq, Christine Desmaret, et un scénario d’escape game à distance sur la thématique de l’apprentissage des langues est en cours d’écriture. De plus, l’équipe du service Innovation pédagogique développe une « banque d’énigmes » qui sera hébergée sur notre plateforme Moodle. Cela permettra aux étudiants et aux formateurs qui désirent réaliser et mettre en place ce type de dispositif, de s’approprier rapidement des énigmes qu’ils pourront trier selon leur type, leur niveau de difficulté ou encore la discipline visée. Il leur suffira de les inclure dans leur scénario. D’ailleurs, le service Innovation pédagogique de l’INSPÉ Lille HdF propose également l’accompagnement individualisé pour la création de ces dispositifs innovants et pertinents pédagogiquement !

En savoir plus sur les Escape Games

Ouvrages :

- FENAERT, M., NADAM, P. & PETIT, A. (2019). « S'capade pédagogique avec les jeux d'évasion - Apprendre grâce aux escape games - De la maternelle à la formation d'adultes », Ellipses, https://livre.fnac.com/a13690852/Melanie-Fenaert-S-capade-pedagogique-avec-les-jeux-d-evasion-Apprendre-grace-aux-escape-games-De-la-maternelle-a-la-formation-d-adultes
- LEBRET, E. & QUESNE, C. (2019). « L’escape Game », Editions Canopé, https://www.reseau-canope.fr/notice/lescape-game.html

Articles :

GUIGON G., HUMEAU J. & VERMEULEN M. (2017). « Escape Classroom : un escape game pour l’enseignement ». 9e Colloque Questions de Pédagogie dans l’Enseignement Supérieur (QPES 2017), Jun 2017, Grenoble, France.

Ressources :

- https://scape.enepe.fr/
- https://www.cquesne-escapegame.com/

Auteurs

      • - Julian Alvarez, professeur associé à l’INSPÉ Lille HdF et responsable du DU « Apprendre par le jeu »
      • - Romain Deledicq, technopédagogue
      • - Anne Midenet, chargée de mission innovation pédagogique et numérique
      • - Olivier Lemort, responsable du service Innovations pédagogiques et formation des formateurs
      - Jeanne Vanderschooten, service civique

Images : freepik.com

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