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Entre adaptation et créativité : les INSPÉ et les fonctionnaires stagiaires face au confinement

Quelles sont les activités, les difficultés des professeurs stagiaires pendant cette période de confinement ? Comment les INSPÉ les accompagnent ?

Entretiens avec des fonctionnaires stagiaires, des formateurs et les directeurs des INSPÉ de La Réunion, de Lorraine et de l’académie de Poitiers

 

Le quotidien des fonctionnaires stagiaires

 

Charles Nivesse (CN) : Je suis titulaire d’une Licence en sciences expérimentales, spécialité chimie ainsi que d’un Master 1 en science de la vie et de la terre obtenus à l’université d’Artois de Lens. Je suis actuellement fonctionnaire stagiaire à l’INSPE de la Réunion, étudiant en Master 2 MEEF du parcours maths sciences. J’exerce au lycée La Salle Saint Charles à Saint Pierre.

Marion Quelin Koen (MQK) : J’ai choisi de devenir Professeure des écoles dans le cadre d’une reconversion professionnelle. Après des études en histoire de l’art puis en gestion du Patrimoine, j’ai été responsable de département dans des institutions muséales publiques pendant 10 ans. Cette année, je suis en poste à l’école élémentaire Brieux de Maizières-Lès-Metz avec deux classes (CE1 et CE2).

Mathilde Savin (MS) : Après une Licence BGSTU à l’Université de Poitiers, je suis entrée en Master MEEF 2nd degré SVT. Ayant échoué au CAPES à la fin du M1, j’ai choisi de faire mon M2 en deux ans grâce au contrat d’aménagement d’études que propose l’INSPÉ. J’ai ensuite obtenu mon CAPES après ma première année de M2. Je suis fonctionnaire stagiaire au Lycée du Bois d’Amour à Poitiers avec le M2 à valider en parallèle.

Comment s’organise votre journée type, entre formation à l’INSPÉ et activité d’enseignement1, pendant cette période de confinement ?

CN : Je consacre le lundi et le mardi à l’INSPÉ, en particulier sur le mémoire (6h par jour). Du mercredi au vendredi, je m’attelle à la préparation des cours, activités et exercices ainsi qu’aux corrections et au tournage et montage des vidéos que je réalise pour la continuité pédagogique (6h par jour). Tous les samedis matins, je fais 1h de classe virtuelle avec chaque classe (remédiation, réponses aux questions) et je mets à jour Pronote (cahier de texte, devoirs, documents) l’après-midi.

MQK : Il n’y a pas de journée type. Je consacre plusieurs heures par jour à la gestion de la classe et l’après-midi aux projets INSPÉ. J’envoie à mes élèves des activités pour environ 3h de travail par jour, avec un petit emploi du temps. Nous avons collectivement décidé de ne pas aborder de nouvelles notions mais d’accentuer les révisions, en les enrichissant de vidéos, de liens intéressants ou de défis. Le travail doit pouvoir se faire en autonomie par mes élèves, quel que soit leur contexte social ou familial.

MS : Une journée commence toujours par un contrôle des boites mails (universitaire, académique et ENT du lycée). Je m’occupe d’abord des mails des élèves, puis ceux échangés entre collègues et pour finir du coté universitaire pour vérifier les informations données sur la formation. Je continue ensuite de travailler sur la mise en œuvre des enseignements que je dois dispenser à distance à destination des élèves. Je travaille, à la suite de cela, sur l’avancement des travaux à rendre pour la formation.

L’exercice du métier pendant cette crise sanitaire a t’il permis l’émergence de nouveaux outils/ de nouvelles méthodes de travail ? Avez-vous des exemples ?

CN : J’ai dû complétement adapter ma façon d’enseigner. J’ai créé une chaine Youtube pour héberger les vidéos que je tourne pour guider les élèves dans leur travail. Des documents modifiables sont donnés en format numérique pour éviter les impressions et déposés sur un espace de partage en plus de Pronote, je crée également des QCM à l’aide de la Quizinière et de Socrative pour évaluer. J’ai créé aussi un Serious Vidéo Game dans le cadre de mon mémoire qui se prête parfaitement au travail à distance. (accéder à la chaine Youtube et au serious vidéo game)

MQK : L’exercice du métier a été profondément remis en jachère : il a fallu réinventer mon enseignement. C’est d’autant moins évident en tant que jeune enseignante. Je n’ai pas fait de classe en visioconférence : les familles ne sont pas toutes équipées. Dans mon école, nous n’échangions pas virtuellement avec les familles : nous avons créé une adresse mail par classe. Mon programme journalier s’est peu à peu transformé en Padlet, auquel je me suis formée. C’est plus ludique : on peut ajouter des images, des liens.

MS : Pour accompagner au mieux les élèves, j’ai choisi de diversifier mes outils avec notamment l’utilisation de capsules-vidéo. J’ai aussi utilisé, par exemple, l’outil Genially qui m’a permis de réaliser des infographies interactives et ludiques pour les élèves. Dans le but de m’assurer du suivi de tous, je me suis servie du site La Quizinière pour avoir un retour direct sur le travail des élèves, avec la possibilité d’y annoter des informations et de façon plus simplifiée que par échanges de mails.

 

 

L’accompagnement des formateurs

 

Cédric Hossen (CH) : Je suis professeur des écoles en poste à l’INSPÉ depuis 2013. J’interviens auprès des étudiants de master 1 et 2 MEEF 1D sous 3 formes : la prise en charge de TD (dimension éthique, préparation de stages, préparation à l’épreuve orale du CRPE « entretien à partir d’un dossier »), le suivi des professeurs des écoles stagiaires en classe, la direction de mémoires en deuxième année de master.

Isabelle Coupois (IC) : Je suis formatrice en sciences et j’enseigne principalement les sciences en M1 et M2 MEEF 1er degré. Rattachée à la Maison pour la science lorraine et au Centre Pilote La Main à la pâte, j’assure également des formations en sciences et technologie dans le cadre de la formation continue auprès d’enseignants et formateurs 1er degré à l’INSPÉ de Lorraine.

Isabelle René (IR) : Professeur d’Éducation musicale, formée en sciences de l’éducation, TZR détachée formatrice en prépa pro L2/L3 et Master MEEF PE ; formatrice académique en formation continue sur des sujets transversaux. Je m’attache à former les étudiants au sens des apprentissages, à la réflexivité, à leur mise en projet afin de conduire tous les élèves vers la réussite et le bien être scolaire.

Quelles sont vos activités pendant cette période de confinement ? (entre continuité pédagogique et suivi des fonctionnaires stagiaires) ?

CH : Mes activités d’enseignement prennent nécessairement appui sur les outils numériques mis à disposition par l’université. Moodle pour le contenu de cours, la construction d’un forum de discussion et le maintien d’une dynamique collective, Whaller pour le suivi et la soutenance des mémoires à distance. Mes visites des fonctionnaires stagiaires ont été menées dans leur ensemble avant le début de la période de confinement. J’ai participé à la réunion d’équipe de suivi de circonscription en visioconférence.

IC : Il a fallu rapidement réunir virtuellement l’équipe enseignante pour organiser la suite de l’année et les formations de l’année prochaine. Les mails, les audioconférences et visioconférences avec étudiants et formateurs se sont multipliés. Je me suis également formée : plateforme Teams, Genially, MOOC. J’ai préparé des défis pour les élèves avec le réseau de La Main à la pâte. Paradoxalement, le mois de mai s’annonce le plus confiné de tous avec la correction des dossiers et les soutenances de stages.

IR : Cerner les demandes et les besoins, me centrer sur les essentiels. Remanier les fondamentaux. Entrer dans une autre réalité pratique et temporelle par une adaptation réfléchie : informer et former. Offrir un contenu autrement, qui serve de suite tout en installant de la réflexivité. Travailler en équipe à distance pour mutualiser nos compétences. Utiliser le temps « assoupli » pour le suivi des PES. Être proche autrement pour évaluer en valorisant leurs qualités d’adaptation.

Comment les fonctionnaires stagiaires vivent-ils cette période de confinement ? Quels regards portent-ils sur leurs pratiques professionnelles pendant cette période ?

CH : Trois tendances caractérisent les échanges avec les fonctionnaires stagiaires sous ma responsabilité. Le plus grand nombre témoigne une confiance tangible pour les équipes de formateurs en circonscription et à l’INSPÉ. Pour autant, certains manifestent un certain scepticisme quant à l’efficacité de leurs pratiques d’enseignement à distance pour lesquelles ils ne se considèrent pas outillés. Pour d’autres, un fort sentiment d’insécurité quant à l’agenda de leur titularisation s’est installé.

IC : Les étudiants vivent plus ou moins sereinement le confinement. Mais ils ont fait face. Ceux qui préparent un concours assistent aux cours et rendent leur travail. Les EFS assurent en autonomie la continuité pédagogique. Ils coopèrent avec leurs collègues, communiquent avec les parents. Ils se sont adaptés en s’emparant des outils technologiques. Ils ont développé des compétences éducatives et pédagogiques, ont diversifié les supports pour accompagner leurs élèves. Ils ont pris confiance en eux.

IR : Se confronter à une situation nouvelle sans système de dispositions durables et donc transposables, a nécessité une sur-accommodation. Il a fallu construire d’autres schèmes en collaboration avec le référent et le tuteur. Improvisation situationnelle + créativité => dynamique combinatoire des cours reçus sur site, de la pratique de classe et de la recherche => émancipation pédagogique, réflexivité. Développer son potentiel de création est positif pour la confiance et l’image de soi.

 

 

Les INSPÉ face au confinement

 

Les fonctionnaires stagiaires se retrouvent dans une situation inédite : quelle politique votre INSPÉ met-il en place afin de les accompagner ?

Sandrine Marvilliers, administratrice provisoire de l’INSPÉ de La Réunion :

Je retiendrais : Ecouter, rassurer, communiquer, outiller. Nous relayons informations et ressources (universitaires, académiques, autres) par mail, sur le site de l’INSPÉ, sur Facebook. Des plateformes sont dédiées aux problématiques professionnelles. Elles permettent aux fonctionnaires stagiaires de partager des ressources et de communiquer entre pairs, accompagnés des formateurs. Enfin, chaque formateur échange régulièrement avec des stagiaires par mail, en visio, rassure, conseille, outille.

Fabien Schneider, directeur de l’INSPÉ de Lorraine :

Confinement et activités à distance constituent le nouveau paradigme d’aujourd’hui qui nous a poussés à revoir tous nos processus de formation et d’évaluation. Mais cela ne vaut que si les étudiants disposent des conditions adéquates d’application. Aussi nous avons interrogé l’ensemble de nos usagers pour détecter ceux qui pouvaient être en détresse numérique matérielle et d’accès au réseau. Nous avons identifié une trentaine de cas extrêmes auxquels nous avons alors tenté d’apporter les meilleures solutions.

Mario Cottron, directeur de l’INSPÉ de l’académie de Poitiers :

Dans les circonstances actuelles, nos étudiants et nos stagiaires font preuve d’une forte implication et montrent beaucoup de maturité. La continuité pédagogique auprès des élèves assurée par nos stagiaires est une réalité. Ils ont l’expertise nécessaire, ayant suivi au sein des MEEF des enseignements dédiés au numérique éducatif. Et ils bénéficient, dans cette période d’un accompagnement collectif et individuel, de nos formateurs, de leur référent, chacun mobilisé pour les accompagner.

 

1 : Le cursus de la formation en alternance en deuxième année de master MEEF comprend un stage en responsabilité (équivalant à un mi-temps devant élèves en école, en collège ou en lycée) et des cours à l’INSPÉ de ordre de 250 à 300 heures.

Crédits : 2019,  service communication&culture INSPÉ de Lorraine – service communication INSPÉ de l’académie de Poitiers – INSPÉ de La Réunion.

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